Les excès de la surveillance


Les excès engendrés par la surveillance et le contrôle... Ou comment une utopie peut se transformer en dystopie.


La recherche de sécurité peut amener à une absence de liberté et de sentiments comme nous l'avons vu précédemment. En effet, pour cela l'Etat produirait un contrôle total, dont les individus n'auraient pas conscience.

Cependant, le contrôle produit ainsi par l'état, et le sentiment de sécurité qu'il semble procurer peut amener à des dérives.
En effet, certaines idées de mise en place de dispositifs de contrôle peuvent parfois sembler excessives. Par exemple, au cours de ces dernières années, en France, une expertise a été publiée par l'Inserm, préconisant « le repérage des perturbations du comportement des la crèche et l'école maternelle » pour éviter la survenue des comportements délinquants à l'adolescence. De nombreuses protestations ont émergé car cette expertise risquait d'appuyer le rapport Bénisti sur la prévention de la délinquance et l'avant-projet de loi sur cela. L'état a néanmoins décidé de retirer l'article sur le dépistage précoce du projet de loi prévention de la délinquance et renonce à l'idée d'un carnet de comportement dès la maternelle.
On peut quand même se demander ou cela aurait mener, car l'idée d'un carnet de comportement dès la maternelle, revient à ficher un individu alors qu'il n'a pas encore eu le temps de grandir, s'épanouir et évoluer. Cela pourrait évidemment avoir des conséquences, et ce, pour le reste de sa vie.
Nous avons donc au départ la volonté de surveiller dès l'enfance les comportements « déviants » à bon escient, dans une volonté de bienveillance pour la population, et cela se transformerait finalement en malveillance pour ces enfants, à qui on ne laisserait aucune chance avant même qu'ils aient pu grandir.
De plus, qui peut affirmer connaître la normalité parfaite (et l'anormalité) chez les enfants ? Qui aurait le pouvoir de juger cela ? Et à qui donnerait-on ce pouvoir ? 

Lien vers: "Trouble des conduites chez l'enfant et l'adolescent".

En outre, le problème serait-il du à la nature des personnes ou à la situation elle-même ?

On peut penser que les situations de contrôle et de surveillance elles-même peuvent induire des dérives, car il s'établit alors une relation spécifique, qui n'est plus d'égal à égal, mais bien une relation de pouvoir. De plus, les dispositifs techniques mis en place pour cela, ainsi que l'obéissance à une autorité pour agir de la sorte, rendent ces situations bien spécifiques. Cela entraîne des dérives qui n'ont pas à voir avec la personnalité des individus, mais bien avec la situation en elle-même.
En effet, en 1971, Philip Zimbardo a menée une étude de psychologie sur les effets de la situation carcérale : l'expérience de Stanford. Le but de l'expérience était d'étudier le comportement de personnes ordinaires dans ce contexte. Celle-ci fut réalisée avec des étudiants volontaires, certains jouaient le rôle des prisonniers,d'autres celui de gardiens. Ils étaient répartis dans les différents rôles de manière totalement aléatoire. Les étudiants étaient 18 au total, et tous avaient été choisis pour leur stabilité et leur maturité. Ils étaient également conscients du caractère aléatoire de l'attribution des rôles, qui ne reposaient donc aucunement sur des prédispositions psychologiques ou physiques quelconques.
Les effets produits lors cette étude montrent bien que c'était la situation plutôt que la personnalité des participants qui était à l'origine de comportements parfois à l'opposé des valeurs professées par les participants avant le début de l'étude.
En effet, tous les participants se sont vites adaptés à leur différent rôle, dépassant les limites de ce qui été prévu, et conduisant à des situations réellement dangereuses et psychologiquement dommageables. Par exemple, un tiers des gardiens fit preuve de comportements sadiques et de nombreux prisonniers furent traumatisés émotionnellement. Ces résultats n'étaient évidemment pas prévus, et on perdit le contrôle de la situation. Une seule personne s'est opposée à la poursuite de l'expérience pour des raisons morales. (Notons que l'expérience ne serait plus permise de nos jours pour des raisons éthiques.)


Illustrons cela avec La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck. L'intrigue se déroule dans l'Allemagne de l'Est en 1984. Un capitaine de la Stasi se voit confier la surveillance d'un dramaturge, soupçonné de trahison au parti. Cette mission est en fait orchestrée par le ministre est-allemand, qui est amoureux de la femme du dramaturge, et qui veut donc le faire disparaître.
Les dispositifs techniques employés pour espionner le dramaturge sont alors considérables : des micros installés partout dans l'appartement, avec une salle d'écoute installée dans l'immeuble. Une surveillance continue 24h/24 commence donc pour le capitaine de la Stasi, qui est relayé la moitié du temps par un adjoint.
Au fur et à mesure de l'écoute, le capitaine évolue, et commence à éprouver des sentiments positifs pour ces personnes. De plus, il découvre la manigance tramée par le ministre. Dès lors, il prend conscience de la faille du système, et couvrira le dramaturge quand il écrira des choses illégales. Pour cela, il écrira des rapports falsifiés ou incomplets et aidera comme il pourra le couple.



Ce qui est intéressant dans ce film, c'est l'illustration faite de l'obéissance et la prise de conscience d'une personne face à la faille d'un système. De plus, cela démontre bien notre propos car le capitaine est au début réputé pour être spécialiste en matière d'interrogatoire en utilisant des méthodes dures et inhumaines. Pourtant, au fur et à mesure nous nous rendons compte que c'est bien par idéalisme, et par croyance dans ce système qu'il agit de telle sorte. A mesure qu'il évolue, on se rend compte de son erreur, nous nous rendons compte qu'il n'a en fait rien de sadique.
De même que le rôle des gardiens dans la prison, ce capitaine agissait conformément au rôle qui lui était assigné dans ce système.
Cependant, cela n'est pas exactement comme dans l'expérience de Stanford. En effet, ce capitaine croit au système, et agit comme cela dans le but de faire de son idéologie une réalité.
Il montre finalement comment une utopie peut se révéler être une dystopie, et que nous pouvons être acteur de cette dystopie sans même en avoir conscience... 


Autre illustration. Le film Minority Report de Spielbierg illustre bien les dérives et les excès de la surveillance. En effet la ville de Washington en 2054 ou se passe l’action est une dystopie.  La technologie est au service de l’idéologie sécuritaire et assure la mise en place d’une omnisurveillance et d’un contrôle des individus. Cette ville futuriste a réussi à éradiquer le crime grâce à une institution policière nommée Précrime. Au sein de cette unité trois agents précognitifs peuvent arrêter les criminels juste avant qu’ils n’aient commis leurs actions crapuleuses. Ils sont capables de fournir l’heure du crime, le nom du criminel ainsi que le nom de la victime. Les autres informations sont obtenues via un système informatique qui traite les visions des agents et les met en scène à travers un interface de réalité virtuelle. On pourrait facilement penser que cette technologie est assurément bénéfique pour la communauté. Or lorsqu’un agent risque d'être arrêté pour un crime qu’il n’a pas encore commis, on peut se demander de ce qu’il en est de la préemption d’innocence. Finalement avec une telle organisation tous les individus sont présumés coupables et peuvent être punis sans qu’il y ai eu faute. De plus les techniques de surveillance, essentiellement basées sur la vision et l’optique, nous font douter de leur bien-fondé. Des scanners sont présents partout dans la ville et permettent d’épier les gens dans tous leur déplacements, de les localiser et de les identifier. Et des spyders, des petites araignées robotiques peuvent scanner les yeux des habitants et des passants à tout moment. Les libertés individuelles sont donc amoindries au nom de la sécurité puisque l’Etat se permet de conserver et d’utiliser comme bon lui semble les données personnelles des individus. Ces derniers n’ont plus de vie privée, plus d’intimité et ne peuvent plus circuler librement sans être identifiés.  

 

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